Collector Box
Le motif est maître
Le motif est maître
Née en 1952, Rosemarie Trockel, vit et travaille à Berlin et enseigne à la Kunstakademie de Düsseldorf. Elle a été la première femme à représenter l’Allemagne à la Biennale de Venise en 1999. Ses œuvres font partie des collections permanentes de nombreux musées parmi lesquels l’Art Institute (Chicago), le Museum of Modern Art (New York) et la TateGallery (Londres). Son travail a fait objet d’expositions personnelles dans des institutions telles que le Moderna Museet (Mälmo), la Pinacoteca Agnelli (Turin), le Kunsthaus Bregenz (Brégence), le Museion (Bolzano), la Serpentine Gallery (Londres), le Wiels (Bruxelles) ou encore au MuseumLudwig (Cologne). Elle a reçu le prix Goslarer Kaiserring et le Wolf Prize en 2011.
Elle est représentée par Sprueth Magers.
L’édition 2021 de la Boîte Collector n’est pas composée d’une seule boîte mais de trois. Elles arborent un motif tricolore abstrait en bleu, rouge et blanc, les trois couleurs de la « traditionnelle » boîte ronde de La Vache qui rit®, mais aussi celles du drapeau français. Dans Untitled, œuvre de 1996, Rosemarie Trockel utilisait déjà ces trois couleurs pour un travail tissé, produisant une petite tapisserie qui demeure inachevée, puisqu’elle se transforme en pelotes de laine. L’œuvre a été réalisée en pensant au drapeau des États-Unis, mais on peut la lire comme une allégorie de la devise de la République française : « Liberté, Égalité, Fraternité » — même code couleur et même vacillement de certaines valeurs démocratiques.
Le motif spécialement créé par l’artiste pour la Boîte Collector de cette année peut évoquer quant à lui la tête d’une vache, justement, transformée en motif répétitif, en silhouette à interpréter. L’une des trois versions de la boîte est entièrement recouverte de ce motif, et fonctionne comme une petite sculpture en elle-même. Sur le dessus des deux autres versions figure la silhouette rouge de la tête de la vache de La Vache qui rit®, l’une des deux avec son « visage » plus détaillé. Les trois boîtes représentent ainsi une évolution, une croissance, une sorte de métamorphose, puisque l’on peut aller d’avant en arrière et réciproquement, c’est-à-dire du plus réaliste au plus symbolique et du visage au motif, et vice-versa. Pattern is a Teacher — le motif est maître, pourrait-on traduire — qui nous enseigne aussi bien l’histoire, la politique, l’art. 1 Plusieurs femmes artistes ont tissé des motifs : pensons aux tapisseries d’Anni Albers ou aux grilles abstraites peintes par Agnès Martin. Rosemarie Trockel compose parfois ses motifs avec des logos ou personnages existants, comme ici où elle s’est appropriée les couleurs de La Vache qui rit® et l’animal iconique lui-même.
« Motif » est un mot qui implique la répétition, d’autant plus au niveau de la production industrielle où peut être répété sans fin le même motif. Il peut aussi offrir un cadre à notre pensée, donner une structure aux choses, voire faire de la pensée un éternel commencement. La notion peut aussi s’appliquer à des comportements récurrents, lesquels peuvent définir une société et déterminent souvent nos habitudes. Les grilles ou les motifs, qu’ils soient faits de laine ou utilisés pour envelopper des triangles de fromage et des boîtes rondes, sont autant d’occasions pour nous d’ouvrir les yeux sur des propositions artistiques dans des contextes inédits et des médiums variés — ce qui a toujours été le but principal des séries de Boîtes Collector produites par le Groupe Bel et son laboratoire artistique, Lab’Bel. Nous pouvons voir ce motif comme une simple abstraction, ou le regarder avec plus d’attention et le relier à l’histoire de l’art, aux couleurs d’un drapeau national, ou encore à un puzzle qui serait composé de formes. Une œuvre d’art a-t-elle toujours besoin d’être interprétée ? Je pense que la réponse est « non », et je pense que l’objectif principal de l’univers de Rosemarie Trockel est de toujours susciter des interrogations.
Silvia Guerra, commissaire de l’édition 2021 de la Boîte Collector.
Pour l’édition de 2021 de sa boîte collector de La vache qui rit, l’artiste Rosemarie Trockel a réalisé, elle-même, un court film autour du projet. Un « road movie » avec un personnage féminin qui se rend au rayon des frais d’un supermarché pour prendre cette édition artistique et l’emporte en voiture à travers la campagne jusqu’à un pré où des vaches paissent. Les trois couleurs sont toujours celles de la marque et du drapeau français, la musique aussi est originale et la fin est un face à face ironique : que reconnaît le monde animal de son humanisation souriante?
Silvia Guerra, commissaire du projet