Five Radio Stations #2

Lancement en avant-première le 18 janvier au Passage Molière (Paris 3ème) de 16h00 à 21h00, grâce au soutien de la Maison de la Poésie, la librairie EXC et la papeterie L’Écritoire.

Les stations de Claude Closky, Jenny Odell, Yuri Suzuki, Isa Toledo et Nico Vascellari seront accessibles en ligne sur fiveradiostations.com.

Lancement en avant-première de la seconde saison de Five Radio Stations

C’est avec un immense plaisir que Lab’Bel, le Laboratoire artistique du Groupe Bel, vous propose de découvrir en avant-première la seconde saison de Five Radio Stations, Passage Molière à Paris, le 18 janvier 2025, de 16h à 21h.

Initié en 2023 par une première série, ce projet, qui prend initialement et principalement la forme d’une plateforme accessible sur internet, rassemble cinq visions de ce que pourrait être une station de radio dont la réalisation serait confiée à un.e artiste.

Procédant de commandes auprès de plasticien.ne.s, écrivain.e.s et compositeur.rice.s d’origines géographiques diverses, elles diffèrent, par leur contenu et leur forme, de l’esprit des podcasts qui sont prédominants sur les ondes aujourd’hui pour ouvrir des fenêtres sur leurs univers singuliers. Ici, au même titre que sur la plateforme en ligne qui leur est dédiée, les œuvres se découvrent en temps réel, sans possibilité d’interrompre l’écoute. Entre silences, sons naturels et sons artificiels, elles recentrent notre écoute, que l’on entende d’une oreille neuve un silence ou un oiseau qui chante dans une ville lointaine.

Les artistes Claude CloskyJenny OdellYuri SuzukiIsa Toledo et Nico Vascellari se sont généreusement prêtés au jeu de cette seconde édition. Vous pourrez écouter chacune de leurs propositions à la Maison de la Poésie, à la librairie EXC et à la papeterie de L’Écritoire qui contribuent chacune, en raison de leurs spécificités, à en contaminer et en déplacer les perceptions. Ainsi contextualisées, elles résonnent de l’histoire des murs et de l’architecture des différents lieux d’accueil.

Au même titre que la précédente, cette seconde saison a été réalisée sous le commissariat de Silvia Guerra et Seb Emina.

Faisant suite à une proposition de Julien Viteau et de Laurent Fiévet, la présentation en avant-première de ces programmes a été réalisée en étroite collaboration avec La Maison de la Poésie, la librairie EXC et la papeterie de L’Écritoire. Lab’Bel tient à remercier chaleureusement leurs directions et leurs équipes pour leur précieuse participation au projet.

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Texte de présentation des commissaires

Dans les années 1950 et 1960, toute une flottille de petits bateaux jette l’ancre dans les eaux internationales, au plus près du continent européen, chacun d’entre eux émettant un signal radio. Parmi ces radios pirates originelles figurent Radio Mercur, qui mouille au large de Copenhague, Radio Nord du côté de Stockholm et Radio Caroline en mer du Nord vers Felixstowe, ville portuaire anglaise. Ces stations « nautiques » veulent échapper au double contrôle des entreprises et des gouvernements, et diffuser la musique qui leur chante. Mais la méthode choisie n’est pas sans conséquences : ne dirait-on pas que la toute première chanson diffusée par Radio Caroline — la reprise, par les Rolling Stones, de « Not Fade Away » — s’accompagnait d’embruns iodés jusque dans les chambres d’auditeurs londoniens, parisiens ou amstellodamois ? Et n’est-il pas vrai que cet imaginaire et ceux qui ont pris sa suite sont impossibles à retrouver lorsqu’on sélectionne la même chanson au moyen des interfaces sans saveur des services de streaming à la demande ? Ce qui est sûr, c’est qu’une radio est plus que la somme des sons qu’elle contient.

Aucun bateau ou autre station nautique n’a bien sûr été nécessaire pour diffuser les cinq œuvres sonores qui composent la seconde saison de Five Radio Stations. Internet et les technologies qui y sont liées ont, depuis longtemps déjà, fait tomber les barrières qui compliquaient autrefois la radiodiffusion, redéfinissant la notion même de radio. Pourtant, d’une manière ou d’une autre, le médium radiophonique a toujours le pouvoir d’établir une connexion avec des lieux réels, malgré les nouvelles complications mises en jeu par la dématérialisation des technologies — comme un certain sentiment, aliénant, de désincarnation. Ces complications, en regard du « monde réel » qu’elles ont pour effet d’aplanir, font partie des nombreux motifs que l’on retrouve dans cet ensemble d’œuvres inédites de Claude Closky, Jenny Odell, Yuri Suzuki, Isa Toledo et Nico Vascellari.

Rose Garden Radio de Jenny Odell restitue l’ambiance d’une roseraie californienne, au moyen d’enregistrements audio laissés bruts pour la plupart, comme la manifestation d’un désir d’oisiveté, en écho à son célèbre livre How to Do Nothing. Sur un mode similaire, Nico Vascellari propose de se téléporter jusqu’à une ville du nord de l’Italie via les ondes radio, grâce aux services d’un imitateur de chants d’oiseaux, dont la pratique traditionnelle nous force à changer de point de vue — de point d’écoute — pour adopter le langage d’une autre espèce. En exigeant des efforts d’imagination et de décentrement géographique, ces projets nous rappellent qu’il est important de faire attention à notre environnement immédiat. Autrement dit : il faut prêter l’oreille.

Pour la poète Patricia Lockwood, « l’attention est une chose sacrée ». Dans Talk-Show de Claude Closky, un discours politique déploie, sans jamais se répéter, une rhétorique taillée sur mesure pour notre monde hypermédiatisé. Même arraché à son contexte d’origine, le propos reste capable de retenir notre si précieuse attention, avec une efficacité étonnante sinon troublante. Et chez Isa Toledo, le monologue polyphonique que tisse Redescription ne libère pas seulement la voix intérieure de l’artiste mais aussi celle d’un robot conversationnel utilisant une IA de pointe, dans un défilé de références littéraires désincarnées : une radio pour l’individu cyber-fragmenté.

Enfin, AI Acid FM de Yuri Suzuki nous ramène aux radios pirates, que l’artiste écoutait dans sa jeunesse, à la fin des années 1980, alors qu’elles avaient migré des océans vers les villes et qu’émergeait le genre de l’acid house. La musique synthétique et frénétique de cette station radio, animée par un robot à la voix métallique s’exprimant en japonais, est une manière de leur rendre hommage. Procédant à la fois d’une IA générative et d’un patient travail de curation pour récréer le son précis d’une sous-culture disparue, l’œuvre se propose comme une forme de négociation possible entre réalité et simulation.

Ces notions — attention, lieu, rhétorique, simulation — semblent particulièrement prégnantes et fertiles aujourd’hui. C’est donc avec un immense plaisir que nous avons saisi l’opportunité de présenter ces œuvres dans le cadre de la programmation de Lab’Bel, unique en son genre.

Par Seb Emina et Silvia Guerra, commissaires du projet
Traduit de l’anglais par Lucas Faugère

 

LES ARTISTES ET LEURS PROJETS

 CLAUDE CLOSKY
Né en 1963 à Paris (France)
Vit et travaille à Paris (France)
Claude Closky est l’auteur d’un œuvre varié et éclectique, comprenant peintures, sites internet, sculptures, photographies, dessins, vidéos, collages, livres, œuvres sonores, etc. Sa démarche se distingue par sa discrétion et son économie de moyens.

Talk-Show
[Programme continu et autogénérateur]
Dans Talk-Show, cinq individus non clairement identifiés, plongent l’auditeur dans l’univers des programmes d’actualités télévisées où de grandes figures de la scène politique sont captées au cœur d’échanges sans fin. Qui sont ces protagonistes qui jouent leur propre rôle dans une langue qui leur semble étrangère ?
En privilégiant l’anglais, Closky s’inscrit dans le prolongement des réflexions de chercheurs tels que Alastair Pennycook et Jan Blommaert qui le désignent comme une langue de pouvoir et de persuasion à l’échelle mondiale – une lingua franca pleinement mobilisée pour façonner les identités et les rapports de force engagés entre les différents orateurs en lice au sein de l’arène politique.

 

 

JENNY ODELL
Née en 1986 à San Francisco (USA)
Vit et travaille à Oakland (USA)
Jenny Odell est une artiste multidisciplinaire. Elle décrit son travail comme basé sur une observation de proximité, qu’il s’agisse d’étudier des oiseaux, de collecter des captures d’écran ou d’analyser des formes étranges de commerce électronique. Elle s’intéresse particulièrement à la manière dont l’attention entraîne des modifications de perception sur les éléments de la vie quotidienne.   

Rose Garden Radio
[Boucle audio, 02:59:58]
Rose Garden Radio capture le paysage sonore d’un parc public — en l’occurrence une roseraie —, dans toute sa simplicité brute et dépouillée. On y perçoit des enfants qui jouent, le vrombissement des avions, le bruit des toilettes, et des échos d’instruments de musique. Par moments, la voix de l’artiste intervient dans l’enregistrement, participant directement de la taxonomie des sons rassemblés. Le choix d’une roseraie comme cadre à cette proposition n’y apparaît pas comme anodin. Il s’enracine dans une généalogie d’œuvres plus anciennes de l’artiste comprenant une conférence donnée en 2017, intitulée Pour une résistance oisive : Ne rien faire au XXIe siècle, et un livre éponyme qui en est tiré de 2019.
La conférence était ancrée, explique-t-elle, dans « l’Amphithéâtre des Roses Morcom à Oakland, en Californie, communément appelé “ roseraie” » où l’artiste s’adonnait à un rituel quotidien : « s’y rendre, s’y asseoir simplement ». Une pratique qui, selon ses mots, s’imposait à elle « comme une tactique de survie. ».

 

 

YURI SUZUKI
Né en 1980, à Tokyo (Japon)
Vit et travaille à Londres et Margate (Angleterre)
Yuri Suzuki utilise le son pour façonner les espaces dans lesquels il intervient et engager des dynamiques sociales. Ses œuvres sonores et visuelles sont des voyages imaginaires qui explorent les relations humaines et croisent différents aspects de la culture et du genre. L’ouverture et l’inclusion sont des éléments clés de sa pratique : il entend rester accessible pour le plus large public possible.

AI Acid FM
[Programme continu et autogénérateur]
AI Acid FM diffuse plus de 500 fragments sonores générés numériquement qui capturent l’essence de la Acid House. En s’appuyant sur le programme MusicLM de Google, l’œuvre ne se contente pas de raviver des souvenirs culturels vibrants mais interroge l’impact de l’intelligence artificielle sur la création culturelle. Par l’intermédiaire du logiciel, Suzuki invite ainsi à réfléchir sur l’authenticité de la mémoire et sur les nouvelles réalités que l’IA introduit dans le champ de l’expression artistique. 

 

 

ISA TOLEDO
Née en 1990 à São Paulo (Brésil)
Vit et travaille à Lisbonne (Portugal)
Isa Toledo interroge les images cinématographiques, les réseaux sociaux, les traditions de tous types, et les normes liées au sexe et à la classe sociale perpétuées par les médias. Elle explore les langages, qu’ils soient oraux ou écrits, et les outils qui façonnent l’écriture. 

Redescription
[Boucle audio, 01:20:00]
Redescription prend appui sur 19 carnets dans lesquels Isa Toledo a consigné depuis 2013 des citations littéraires. L’artiste y a recours à ChatGPT pour en analyser les contenus et en produire une forme de compte-rendu oral. La frontière entre journal intime et recueil de citations s’en trouve brouillée, dans ce monologue assimilant des extraits d’œuvres de Virginia Woolf, Thomas Paine, Hérodote, Samuel Beckett ou Sēi Shōnagon comme autant de descriptions de la vie de l’autrice, comme le ferait la lecture d’un roman.

 

 

NICO VASCELLARI
Né en 1976 à Vittorio Veneto (Italie)
Vit et travaille à Rome (Italie)
La pratique de Nico Vascellari aborde les champs de la performance, de la sculpture, de l’installation, du dessin, de la vidéo et du son. Elle engage une perspective anthropologique qui interroge les liens entre l’homme et la Nature, les phénomènes anciens et les rituels, le folklore et les traditions populaires tout en les intégrant dans une esthétique underground.

Total Resistance
[Boucle audio, 00:10:00]
Total Resistance fait appel à un imitateur de chant d’oiseau, un chioccolatore, originaire de la région natale de l’artiste, au nord de l’Italie. Nico Vascellari avait déjà exploré en 2018 ces sons étrangement captivants dans sa performance Revenge donnée au Musée MAXXI de Rome.
Un chioccolatore a été invité à parcourir différentes localisations de Vittorio Veneto (bureau de poste, supermarché, café, restaurants, etc.) où le chant imité d’oiseaux se mêle aux bruits du quotidien.