La Collection mise à nu par ses artistes, même I

Exposition Collective
Maison de la Vache Qui Rit, Lons le Saunier, Du 19 février au 1 mai 2016
La Maison de La Vache qui rit, du 19 février au 1 mai 2016
Thomas Bayrle, Etienne Chambaud, Hans-Peter Feldmann, Ryan Gander, Rubén Grilo, Anna Molska, Ugo Rondinone, Karin Sander
Commissaires : Laurent Fiévet & Silvia Guerra

2016

  • La Collection mise à nu par ses artistes, même I

  • Maison de la Vache Qui Rit
  • 25 Rue Richebourg, 39000 Lons-le-Saunier
  • Du 19 février au 1 mai 2016
  • Artistes:
  • Thomas Bayrle
    Etienne Chambaud
    Hans-Peter Feldmann
    Ryan Gander
    Rubén Grilo
    Anna Molska
    Ugo Rondinone
    Karin Sander
  • Commissariat: Laurent Fiévet &Silvia Guerra
  • Chargé de Production:Yann Gibert

Repenser les œuvres de la collection

La Collection mise à nu/e par ses artistes, même est la seconde exposition que Lab’Bel consacre à sa collection. Elle rassemble les œuvres acquises par le Laboratoire artistique du Groupe Bel au cours des quatre dernières années, et plus précisément celles qui n’ont pas été montrées dans le cadre de l’exposition Touching the Moon en 2012. Avec le même esprit d’ouverture que ce premier rendez-vous public autour de la collection,  des prêts, effectués auprès de galeries ou de collectionneurs privés contribuent à préciser l’approche. En complétant certaines des séries représentées, ils permettent de mieux appréhender les œuvres des artistes sollicités et de mettre en perspective leur démarche singulière.

L’exposition de 2016 se déploie sur trois pôles géographiques disséminés sur le territoire jurassien : La Maison de La vache qui rit de Lons-le-Saunier dans un premier temps qui, depuis le printemps 2010, accueille régulièrement les projets de Lab’Bel et s’impose depuis sa création comme l’un de ses partenaires privilégiés dans sa démarche de soutien à l’art contemporain, Le Musée des Beaux-Arts de Dole, ensuite, où, grâce aux interventions successives de ses directrices Anne Dary et Amélie Lavin, la collection est mise en dépôt et présentée partiellement depuis 2013 et Le Belvédère Calonne de Sappel à Baume-les-Messieurs, enfin, dont, grâce à la complicité amicale de son propriétaire Emmanuel Beffy, le fonds est heureux d’investir le parc pour la première fois. Chacun de ces lieux, en raison de sa nature, de son statut public ou privé et de ses spécificités engage ses propres logiques de corps et de monstration, permettant à la collection du Laboratoire artistique, conformément à la référence duchampienne qu’arbore avec malice le titre de l’exposition, de se dévoiler sous différents angles au regard du public et dans sa joyeuse diversité – la plupart des pièces exposées n’ayant jamais été montrées en dehors de leur contexte d’acquisition.

Ces trois rendez-vous proposés au public jurassien adoptent, comme on l’aura compris des colorations différentes. Ils interrogent chacun à leur façon certains des enjeux de l’œuvre d’art et de la collection. L’exposition s’échelonne sur une durée de plusieurs mois au cours desquels, par le biais d’animations et de performances, de nouvelles formes d’appropriation des œuvres seront également proposées.

Laurent Fiévet

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La Collection mise à nu par ses artistes, même I

Une collection de papillons, de pièces de verre de Venise, de timbres… le mot collection résonne comme un assemblage de choses de même typologie.

La collection du Laboratoire artistique du Groupe Bel a commencé il y a 6 ans.

Elle est faite d’objets artistiques, ce qu’on appelle généralement des œuvres d’art contemporain, toutes créées au commencement de notre millénaire.

Mais chaque collection possède des traits qui la distinguent des autres; certains n’aiment que les peintures de jambes de femmes (j’en connais un collectionneur dans le Val de Loire), d’autres les œuvres vidéo, d’autres encore des artistes nationaux (je me demande bien ce que cela signifie, l’art ne se réduit pas à une nationalité quand même ! )

Choisir des œuvres d’art récentes ne se fait pas par hasard, c’est un choix. Toute collection consiste à assembler des pièces qui transmettent l’esprit de l’époque, le Zeitgeist comme le disaient les illuminés d’un autre siècle, car toute œuvre se fait l’écho de la pensée, de la politique, de la société, des inquiétudes, des matériaux qui l’entourent. Et le cercle de cet écho peut être très lointain, au-delà de la nation, précisément.

Le choix d’une œuvre dans un monde où prolifèrent des milliers d’œuvres d’art dépend aussi de celui qui les choisit. Nous pourrions dire qu’un regard sur la fiction avec une certaine dose d’humour est l’un des nos centres d’intérêt.

Ce n’est pas une collection « à la mode » non plus, avec les noms les plus connus du marché de l’art. Les artistes viennent de différents pays, de toutes générations, parce que le contemporain peut naître aussi des mains d’un octogénaire.

Silvia Guerra, co-commissaire de l’exposition et Directrice artistique de Lab’Bel.

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Un paradis perdu – de l’œuvre et de sa sensualité diffuse Volet I : à La Maison de La vache qui rit

C’est à Lons-le-Saunier que débute ce parcours jurassien où pendant plusieurs mois, La Maison de La vache qui rit accueille un ensemble de pièces à la fois ludique et coloré, voire susceptible d’éveiller une forme de gourmandise chez le visiteur. On y retrouve en bonne place Hans-Peter Feldmann et Thomas Bayrle, les deux artistes qui collaborèrent en 2014 et 2015 à la réalisation des deux premières Boîtes Collector pour la marque et dont les propositions furent, au même titre que pour un large ensemble d’amateurs, intégrées à la collection du Laboratoire artistique. Leur présence apparaissait toute naturelle en ces lieux dédié à La vache qui rit et où, au-delà de la présence de leurs créations pour le Groupe, leur pratique apparait doublement relayée dans un processus de rhabillage de certains des espaces architecturaux de l’édifice et d’accessoirisation malicieuse d’icônes de notre culture contemporaine. Il est possible de relever dans ce double processus de recouvrement des murs et des visages une contradiction avec ce qu’annoncerait le titre de l’exposition. Mais le principe de mise à nu ne se trouve pas pour autant écarté dans ces démarches.

Dans le mouvement fluide et bleuté du Blaue Kuhtapete / Blue Cow Wallpaper de Thomas Bayrle qui vient envahir une partie des espaces du rez-de-chaussée de La Maison, la marque-phare du Groupe Bel a été en effet réduite à une forme d’épure. Elle procède d’une simplification qui contribue à en renforcer la toute puissance graphique comme le confirme son utilisation comme motif de base à la constitution d’autres figures pour le projet des Boîtes Collector – ces superforms comme son auteur aime à les qualifier. Ce procédé, qui replonge la marque dans une esthétique légèrement anachronique (puisque renouant avec sa représentation dans les années soixante, décennie au cours de laquelle Thomas Bayrle commença à se l’approprier dans son travail), introduit à sa manière une forme de déshabillage symbolique. Elle dépouille en effet le motif de certains de ses attributs et de sa fonction première pour mieux en révéler l’essence et le détourner en le récupérant dans d’autres fonctions figuratives.

Un peu plus loin, les corps dénudés des David et Eve de Feldmann ont quant à eux pris bonne place auprès des nez rouges qui déclinent le principe de détournement imaginé par l’artiste pour la première édition Collector. Au même titre que ces derniers, leur présence invite à différentes formes d’intimités complices. Les deux sculptures participent, à leur façon, de l’évocation d’un Jardin d’Eden revisité, comme esquissé par la végétation luxuriante glissant sur les murs de l’édifice. Elles déplacent l’expression de la nudité dans un registre de référence biblique – où, à travers la substitution d’un Adam par David, les identités des protagonistes auraient été quelque peu bousculées – que permettent de conforter indirectement d’autres des pièces de la collection.

Ainsi, le corps érotiquement cuirassé du personnage d’Hecatomb d’Anna Molska se débattant, fouet à la main, dans son environnement de mousse, renoue-t-il, lui aussi, de façon quelque peu théâtrale et décalée, avec le mythe originel. Tout en jouant de la représentation d’une sorte de paradis terrestre, circonscrit dans une serre de verre et empreint d’une innocence perdue, il laisse présager des conséquences de la Chute, dans une vision qui résonne fortement avec les préoccupations écologiques du moment.

L’œuf trompe-l’œil d’Ugo Rondinone, still.life. (one egg), semble quant à lui proposer au cœur de l’espace d’exposition temporaire, une ouverture vers toutes sortes de formes d’inconnu. La plateforme circulaire sur laquelle il a été placé et qui en interdit l’accès le rend aussi tentant que la pomme qu’Eve semble proposer de sa main droite à David – l’un des autres modèles trompe-l’œil que croque précisément le sculpteur dans sa série des still.life. Bien que ce dispositif ne fasse pas partie du protocole de présentation de la pièce, il n’en exalte pas moins les dimensions symboliques, souligne les promesses, les enseignements ou les dangers qu’il pourrait contenir ; suggère ce qu’il pourrait de tout son poids provoquer malgré son dépouillement et son masque de fausse normalité.

Un peu plus loin, des colorants alimentaires transforment de vulgaires pigeons en espèces inconnues. Au même titre que l’habillage chromatique des figures de Hans-Peter Feldmann, ils confèrent aux oiseaux retouchés une sensualité nouvelle, affublés par leur auteur de la dénomination énigmatique de Naked Parrots. Le titre choisi par Etienne Chambaud évoque d’ailleurs, lui aussi, une forme de mise à nu. Doit-on l’interpréter comme le dévoilement d’une filiation avec des espèces cousines disparues ou y relever au contraire la révélation des conséquences d’une mutation génétique mystérieuse qui, dans le prolongement de la parabole relayée dans sa vidéo par Anna Molska, traduirait les dérives de la société de consommation ? A moins que cette nudité revendiquée, aux dimensions toutes plasticiennes, ne constitue pour les volatiles qu’un moyen supplémentaire pour attirer l’attention, qu’une stratégie de séduction visant à assurer la survie de l’espèce. Car qu’elle naisse de la vue, de l’odorat, du goût, de l’ouïe ou du toucher, ces corps et ces objets dévoilés, comme relevés par la couleur ou exaltés par les lumières des lampes de Ryan Gander alignées côte à côte, un peu plus loin, dans l’espace de La Maison, semblent proposer différentes formes de tentations adressées au visiteur.

C’est avec une vraie gourmandise que les moulages de tablettes de chocolat de Rubén Grilo s’offrent à son regard dans les différentes modulations de leur palette pastel. Les titres complexes et extrêmement précis de ses tableaux-installations y comptabilisent déjà scientifiquement les coups de dents qu’il pourrait y porter. Gageons que sa proposition saura mettre celui-ci en appétit. L’œil déshabille, invite dans le chatoiement des couleurs à revenir au dépouillement des origines et déplace insidieusement la perception des œuvres vers une dimension alimentaire et séductrice. Appétissants, les corps s’offrent dans un environnement tout en rondeur et en douceur, où, à l’instar de l’univers de friandises dans lequel évoluent Hansel et Grethel, ne se distille pas moins une forme de menace diffuse pour celui qui se risque à s’y aventurer.

En articulant à un jouet d’enfant inoffensif le fer d’une hache affilé, A Lamp made by the artist for his wife (9th attempt) de Ryan Gander rend particulièrement bien compte de ce mélange de séduction et de danger, met littéralement en lumière l’éventualité d’un brutal retournement. L’œuvre souligne comment le regard du visiteur peut à tout moment basculer vers des abîmes insoupçonnés ; un risque de chavirement que rappellent les images du film d’Anna Molska et auquel conduit inévitablement la matière sensible et ambivalente de l’œuvre d’art quand on cherche, d’un peu trop près, à la révéler.

La Collection mise à nu par ses artistes, même
Exposition Collective
Maison de la Vache Qui Rit
© Martin Argyroglo


La Collection mise à nu par ses artistes, même
Exposition Collective
Maison de la Vache Qui Rit
© Martin Argyroglo


La Collection mise à nu par ses artistes, même
Exposition Collective
Maison de la Vache Qui Rit
© Martin Argyroglo

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